Café Entropy
J’ai récemment et interrogée par le blog photo-littéraire Café Entropy. Il s’agit d’un projet artistique né en 2013 qui publie des photographies noir & blanc de personnes, en majorité des écrivain·e·s, dans des cafés en Europe. Des textes littéraires, des interviews et infos sur les auteur·e·s complètent les publications.
La photo a été prise par Alain Barbéro au Corso, quai de la Seine à Paris.
La page du blog peut être vue ICI. Elle contient une interview de même qu’un court texte qui veut éclairer ma démarche.
Quand François Mitterrand, premier secrétaire du Parti Socialiste, a été élu à la présidence de la République Française en 1981, au milieu de la liesse populaire, et après vingt ans de luttes sociales et politiques intenses en France, j’ai eu tout de suite le sentiment que cette élection sonnait le glas de la gauche et pour longtemps. Chaque fois que j’évoque ce souvenir dans une discussion, ou au cours d’une rencontre, mes interlocuteurs sont incrédules. Et pourtant…
Je suis de la génération de la guerre d’Algérie. Cette guerre m’a fait comprendre une bonne fois pour toutes qu’il ne faut pas se fier à ce que disent les gens et les organisations, politiques ou autres, mais à ce qu’elles font. Quand François Mitterrand arrive au pouvoir, je connaissais très bien son rôle de soutien à l’expansion coloniale de la France et son rôle majeur dans la guerre d’Algérie. En 1956, il vote les pouvoirs spéciaux à l’armée française sur le sol algérien, ouvrant ainsi cette boite de Pandore dont se sont échappés les démons maléfiques qui hantent toujours notre société. Dans les années 60 et 70, j’ai beaucoup milité dans la vie syndicale française, persuadée que nous étions en train de changer le monde. Et je n’étais pas la seule. Je connaissais donc, à travers cette expérience syndicale, l’ignorance profonde de l’appareil du Parti Socialiste des luttes sociales novatrices qui secouait le pays. Pour moi, leur arrivée au pouvoir et l’immense enthousiasme populaire qu’elle avait soulevé, plombés par le passé colonial occulté, sans réel enracinement dans les luttes sociales, finiraient dans l’impasse et le désengagement. Désespérée, j’ai cessé de militer, tenté de faire mon bilan, et une dizaine d’années plus tard, j’ai commencé à écrire des romans pour raconter comment ma génération s’était fracassée. Romans noirs évidemment, toujours raconter ce que font les gens, plutôt que ce qu’ils disent.