“Bien connu…” 2

23 mars 2015

Rappelons très brièvement les faits : à Clichy-sous-Bois, deux gamins de banlieue meurent électrocutés dans un transformateur électrique où ils s’étaient réfugiés pour échapper aux policiers qui les poursuivaient, à l’automne 2005. Après dix ans de combat, les familles obtiennent l’ouverture d’un procès contre deux policiers, pour non-assistance à personnes en danger. Le procès vient de se tenir, le jugement sera rendu en mai. Mais déjà, un éclairage violent sur la police, la justice et leurs rapports dans notre pays.

 

Le drame commence par un « simple » contrôle d’identité au faciès, comme il en existe des centaines chaque jour. Les policiers affirmeront ensuite qu’il s’agissait de petits voleurs de matériels de chantier pris en flagrant délit. Rien de tel, en fait. L’enquête établira que les gosses revenaient d’un entraînement de foot. Mais culture du faux témoignage oblige. Cet épisode du faux témoignage sera ensuite « oublié » au procès, semble-t-il. Les gosses, pris de panique, s’enfuient, parce que les gosses de banlieue ont une peur panique des flics, parce qu’ils n’ont jamais imaginé que la police était là pour les protéger. Et les flics les poursuivent comme de dangereux criminels, parce que force doit rester à la loi, sans blague. L’un des deux policiers mis en cause les voit escalader une grille et pénétrer dans le périmètre qui entoure un transformateur EDF, et dit à la radio de son QG : « S’ils entrent dans le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau. » Que fait il alors ? Il alerte EDF pour faire couper le courant dans l’installation ? Il prévient les pompiers ? Pas du tout. Il demande des renforts pour cerner le site, et s’assurer que les deux gamins y seront bloqués et ne pourront pas s’enfuir. Force doit rester à la loi, sans blague.

Les deux gamins meurent, sans surprise. Quand l’enquête est bouclée, et qu’il devient évident qu’après dix ans de manœuvres dilatoires, il faudra en venir au procès, le procureur demande la relaxe. L’avocat de la défense est un mauvais plaideur, d’après les récits des journaux, mais un ancien commissaire de police. Il connaît bien les rouages de la machine. Et déclare tranquillement, la veille de l’ouverture du procès, que 180 000 policiers soutiennent leurs collègues innocents et ont les yeux braqués sur le tribunal. La menace est claire, et elle pèse en ces temps de lutte antiterroriste.

Que nous dit le procureur, en demandant la relaxe ?  Il déclare, clairement, que les policiers ont rempli leur rôle. Leur rôle n’est donc pas la protection des citoyens, tous les citoyens, quelque soit la couleur de leur peau. Leur rôle est le maintien de l’ordre, y compris par la peur, surtout dans les « quartiers difficiles ». Et tant pis pour les accidents en cours de route. Que nous dit l’avocat-commissaire, en faisant pression sur le tribunal ? Que sa conception de la police est la même que celle du procureur, et qu’il faut veiller à ce qu’elle n’évolue pas.

Que nous diront les juges, en mai ? Nous verrons bien, mais contexte de lutte antiterroriste tous azimuts, effondrement de la pensée progressiste,  je ne suis pas optimiste.

Mars 2015

 

 

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